Sans même en connaître nécessairement tous les tenants et aboutissants, je dirais que cette longue prise d’otages n’est pas sans rappeler la crise des otages français au Liban dans les années 80 et porte toutes les marques d’un terrorisme que je qualifierais de rassurant. Rassurant, en ce sens qu’il tranche avec les attentats nihilistes violents auxquels nous avons eu droit ces 15 dernières années.
Je distingue en effet entre, d’une part l’acte terroriste, qui répond à une logique politique, et d’autre part l’acte vengeur qui répond, lui, à une logique plus culturelle et psychologique.
Dans le cas d’un acte terroriste, on s’en prend à une cible secondaire (on enlève p.e. des journalistes français en Afghanistan) afin de faire pression sur la cible principale (dans ce cas-ci l’Etat français) pour l’amener à changer sa politique au mieux de nos intérêts (dans ce cas-ci, un retrait militaire français d’Afghanistan).
Et cette mécanique marche parce que le Français détenu en Afghanistan n’est pas uniquement otage des Taliban : il est autant l’otage de la politique française en Afghanistan. Tout comme, dans un kidnapping crapuleux, le kidnappé n’est pas seulement otage de ses ravisseurs, mais aussi de la rançon que les siens sont supposés être en mesure de payer pour sa libération.
Et c’est dans ce sens-là, justement, que le vrai terroriste est rassurant : ayant un agenda politique, il est ouvert à la négociation ; et dans la mesure où on accepte de composer avec lui, on peut le raisonner, voire le satisfaire comme l’atteste l’heureux dénouement de cette prise d’otages.
Ce qui n’est pas du tout le cas des auteurs des attentats nihilistes violents, qu’on ne peut pas satisfaire, car ce sont des anges vengeurs sans aucun agenda ni exigence politiques qui ne veulent ni négocier avec nous ni faire pression sur nous mais qui cherchent uniquement, en donnant la mort, à assouvir leur soif de vengeance.
Les attentats du 11 septembre sont un tel acte vengeur, tout comme l’est d’ailleurs l’opération américaine qui mena récemment à l’élimination sans autre forme de procès d’OBL. Dans l’un comme dans l’autre cas, il ne s’agissait pas de faire pression sur l’ennemi pour l’amener à cesser de faire ce qu’il faisait, mais de le punir pour quelque chose qu’il avait fait longtemps auparavant.
Et c’est là une autre différence entre l’acte terroriste et l’acte vengeur. L’acte terroriste illumine un jeu qui se déroule encore aujourd’hui (ainsi, le jeu guerrier auquel les Taliban et l’Otan jouent toujours en Afghanistan). Par contre, l’acte vengeur fait la lumière sur un jeu qui s’est déjà terminé : le 11/09 OBL punissait les US pour ce qu’ils lui avaient fait au tout début des années 90, et en 2011 les US punissaient à leur tour OBL pour quelque chose qu’il avait fait 10 ans auparavant.
Contrairement à la logique politique de pression et de négociation des terroristes, il s’agit ici d’une logique psychologique de rétribution et d’affirmation de soi.